Cinderella

Publié le par Margaux

A que coucou ! :D 

Aujourd'hui, je vous présente un petit texte que j'avais écrit il y a déjà quelques mois. Encore une inspiration soudaine et fulgurante xD Je l'avais publié sur un forum de discussion : il paraît qu'il est bien, donc je vous le mets ici ^^ 

Bonne lecture et n'hésitez pas à donner votre avis ! ;) 

 

Assise sur mon grand lit à baldaquin, seule, la fumée âcre m’enivre. Elle se mêle à mes longs cheveux couleur corbeau, se reflète dans mes yeux d’azur, vient troubler le saphir de mon fin diadème.

Moi, Aurore, Princesse de son état, je n’ai rien d’une Belle au Bois Dormant. Je suis en effet insomniaque.  Pour le plus grand désespoir de ma mère, qui déplore ces épais cernes venant gâcher l’ovale gracieux de mon visage. Ils s’étalent là, juste au-dessous de mes yeux, telles deux tâches d’encre voulant servir à écrire cette vie dont je rêve et que l’on m’interdit.

 

Moi, Aurore, Princesse de son état, je n’ai rien d’une Cendrillon. Le ménage est en effet un mot dont j’ignore la signification. En témoigne ce tas de corsages toujours pas lavés trônant sur le fauteuil de velours rouge, là, vers la fenêtre au grand large ouverte. Mère va encore soupirer et me lancer son fameux regard exaspéré, demain, en arrivant dans ma chambre pour me dire bonjour. Mère va encore réajuster sa lourde couronne avec agacement, le tout en me faisant la morale d'une voix condescendante.

 

« Ma chère Aurore, quand allez-vous vous décider à vous conduire comme une princesse digne de votre rang et de votre père ? »

 

La fumée se fait plus agressive, et m’entoure d’un épais halo protecteur.  Je me sens protégée. Je me sens euphorique. Je me sens libre.

 

Moi, Aurore, Princesse de son état, je  fume un joint, assise, à moitié nue, dans mon grand lit froid.  Et je rêve. Je rêve à tout ce que je pourrais faire si je n’étais pas princesse. Tout ce que je pourrais faire si je n’étais pas prisonnière de ce château glacial et de ces convenances qui le sont tout autant.

 

J’aurais un cheval. Je galoperais sur son dos, à travers les bois, seule, en regardant la nuit tomber sur les grands arbres. J’enlèverais ce stupide diadème qui m’enserre le crâne et m’empêche de penser, pour laisser mes cheveux faire la course avec le vent.

 

Je pourrais enfin mettre ce joli corsage rouge que j’adore, laissant deviner ma poitrine, sans que Mère ne m’ordonne de me changer en me traitant de courtisane dévergondée.

 

J’écrirais des livres. Des histoires de guerrières libres, de femmes libérées, de jeunes paysannes se battant contre des dragons pour sauver un prince.

Inverser les rôles. Envoyer valser ces fichus codes que l’on m’inculque depuis mon plus jeune âge.

 

« Tiens-toi droite »… « Fais ce qu’on te dit »… « Ne sors pas seule »… « Obéis à ton mari »… « Range ta chambre »… « Serre davantage ton corset »…

 

La fumée se fait suave, les brumes prennent possession de mon esprit et m’emmènent pour un doux voyage au pays des rêves éveillés.  Je voyage hors du château à dos de licorne. C’est tellement grisant.

 

Demain, on va me présenter à un énième bellâtre sans cervelle qui va encore me demander ma main en faisant moult courbettes et niaiseries. Mère soupirera encore une fois lorsqu’elle verra que j’ai  mis ma robe à crinoline brodée de dentelle noire.

 

Car moi, Aurore, princesse de son état, j’exècre le rose et les couleurs pastel. Je suis gothique, tout de noir vêtue, tandis que mes yeux fardés d’une épaisse couche de khôl scrutent désespérément ce monde, cherchant à le comprendre. Mais sans succès.

 

Cinderella, ma sœur aînée, a sagement épousé un prince le jour de ses 20 ans et, depuis, elle passe ses journées à faire le ménage chez ce macho. L’autre jour, elle a même brisé un de ses escarpins de verre en tombant sur un sol récemment passé à la serpillière. Depuis, l’unique chaussure restante trône sur une étagère, dans sa chambre. Que compte-t-elle en faire ? La faire essayer à toutes les pucelles du royaume en vantant ses talents de ménagère, peut-être.

 

Je n’en sais rien. Moi, Aurore, Princesse de son état, je ne comprends pas ce monde dans lequel je suis née. 

Moi, Aurore, Princesse de son état, je n’aime pas les princes charmants. Moi, Aurore, Princesse de son état, je préfère les princesses. Je suis amoureuse des filles, de leurs yeux candides et de leurs chevelures de soie.  Mais ça, jamais personne ne l’acceptera.

 

Mon joint rétrécit de plus en plus. Il va être l’heure de se coucher.

 

Je me lève, et m’accoude à la fenêtre. Il fait noir. La nuit recouvre le château d’un doux satin sombre piqueté d’étoiles. Au loin, une étoile semble briller davantage que les autres.

Pensive, je plonge mes yeux dans sa lumière. Et je pense à toutes celles et ceux qui, comme moi, sont des moutons noirs, et ont eu le malheur de naître au mauvais endroit. S’il te plaît, belle étoile du soir, fais en sorte que l’on retrouve le chemin menant à notre monde.

Tandis que l’ultime vague de fumée s’envole de la cigarette consumée, je ferme la fenêtre. La fine fumée semble rester immobile un instant, puis elle commence à étirer son corps argenté vers l’étoile. Vers la Lumière. Peut-être a –t-elle entendu ma prière.

 

Au loin dans le château, un bris de verre résonne. Cinderella a-t-elle enfin cassé son ultime pantoufle de verre pour enfin prendre les rênes de son destin ?

Publié dans Contes et nouvelles

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M
je partagerais bien ce petit brin d'herbes et peut être découvrir la princesse charmante!<br /> bravo Little Cousine que ta plume ne tarisse jamais!
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Merci ! :)
S
En lisant, je me disais que je me serais arrêtée à &amp;amp;quot;moi, j'aime les filles&amp;amp;quot;, pour avoir une fin bien brutale, bien percutante. <br /> Finalement, j'aime bien la façon dont tu as poursuivi, mais je préfère la nouvelle sans la dernière phrase. J'ai l'impression que celle qui doit briser son destin n'est pas Cindarella, taillée pour ce rôle, mais ton héroïne, &amp;amp;quot;Princesse de son état&amp;amp;quot; malgré elle. Elle me rappelle les héroïnes de mon recueil &amp;amp;quot;Histoires à grandir debout&amp;amp;quot; qui, toutes, refusent un destin fixé pour elles d'avance et qui les étouffe.<br /> Il y a aussi un album d'un autre auteur que j'aime beaucoup raconter dans mes ateliers : &amp;amp;quot;La princesse parfaite&amp;amp;quot; :<br /> http://www.actes-sud-junior.fr/9782330023355-l-fra-da-ric-kessler-vala-rie-dumas-la-princesse-parfaite.htm<br /> bon dimanche à ta plume rebelle !
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Merci Sylvie, pour ton commentaire et tes conseils ! :) J'aie bien tordre le cou à tous ces clichés et à ces principes qu'on nous impose ^^